Se faire des potes sur tokyo

Se sociabiliser sans passer pour une quiche

Bon. J’ai été invité à une fête, un pot de départ, je connaissais une personne sur la trentaine conviées. j’écris pour les Français de nature timide, ceux qui éprouvent une certaine difficulté à entamer une discussion avec de parfaits inconnus.

Ma connaissance du pays se limite au Kanto, je ne connais pas vraiment les vices et coutumes des autres régions, je vais donc parler de ce que je connais, Tokyo. Pour commencer il serait peut-être bon de rappeler les lois qui régissent les liens sociaux de la capitale comme le 建前「Tatemae」・本音「honne」:

Comme vous devez déjà le savoir, dire les choses de manière indirecte est naturel pour le tokyoïte. Ne pas exprimer ce que l’on pense afin de ne pas froisser les sentiments de son locuteur est une conduite banale, même entre amis. Nous parlons ici du tatemae, fondement de la plupart des rapports sociaux nippons, régnant en maître de kanagawa jusqu’à urawa. Ce qui pourrait paraître pour de l’hypocrisie pour une bonne majorité de français, n’est rien d’autre que de la courtoisie.

En tant que bon parisien, j’attends de mes proches de l’honnêteté, je leurs rendrai la pareille sans équivoque, peu importe le fait que mes propos soient blessant ou non. C’est le degré de sincérité qui va souvent définir la solidité d’une amitié en île de France. Au japon c’est ce qu’on appel le Honne et c’est assez mal perçu.

Exception faites des nomikai qui sont justement élaborées pour dire ce que l’on pense. Prétextant le lendemain qu’on était à 5 grammes, qu’on ne se souvient plus réellement de la soirée, puis on remet son masque, son filtre à émotions, pour re-rentrer dans le moule du bon citoyen. Jusqu’à vendredi prochain, la même itération, chaque semaine.

Les japonais sont de nature introvertie, Ils feront difficilement le premier pas. Tant qu’ils ne sont pas complètement torchés du-moins.

Une des raisons est qu’ils ont du mal avec les langues étrangères. Pour eux, vous ne parlez pas un broc de japonais, ils se disent qu’ils passeront pour des manches en tentant de vous parler en anglais. Vocabulaire limité, prononciation proche des katakana, manque de confiance en soi… Ils se trouveront la majorité du temps une excuse pour ne pas entamer la conversation, même si ils en meurent d’envie.

C’est là où les sciences sociales rentrent en jeu, faites preuve d’empathie, ils y sont particulièrement sensibles. N’hésitez pas à montrer que vous vous débrouillez en japonais, ça ne sera pas perçu comme de l’arrogance mais plus comme un premier pas vers autrui. Ils essayeront de vous répondre en anglais la majorité du temps. Cela ne sous-entend pas que votre niveau de japonais est insuffisant, non. Ils veulent juste faire le même effort que vous avez fait. J’ai mis pas mal de temps à comprendre cette subtilité, et je tiens à la souligner.

Beaucoup d’étrangers avec un bon niveau oral ne comprennent pas pourquoi nos camarades nippons s’évertuent systématiquement à répondre dans la langue de Shakespeare. Il est vrai que ça vous ferait gagner du temps, aussi bien à vous qu’à votre locuteur, si celui-ci daignait accepter de vous répondre en japonais. Le fait est que nos camarades nippons partent du principe que vous vous mettez en difficulté quand vous prononcez des mores plus ou moins habilement. Et il n’est pas concevable pour notre ami que vous soyez seul à faire un effort, il veut se mettre au même niveau que vous en passant en mode 頑張らなきゃ.

C’est là ou ça va loin. Il est plus correct de répondre avec un anglais déplorable plutôt que de continuer la conversation en japonais. Mais c’est qu’une question de temps, une fois que votre locuteur estimera qu’il aura fait assez d’effort ou qu’il aura bu le verre qui l’aura complètement désinhibé, il n’en aura plus rien à carrer, et passera en mode full 日本語. Vous n’êtes tout de même pas à l’abri de quelques mots d’anglais perdus entre 3 phrases japonaises, hein.

Je vous déconseille de rester dans votre coin à attendre que quelqu’un se prenne de pitié pour vous, ils se diront que vous désirez ne pas être dérangé. Il y a en revanche pas mal de chance pour que justement il y ait plusieurs japonais assis dans un coin sombre, à se demander ce qu’ils foutent dans cette soirée. Allez essayer de les faire marrer, posez-leur des questions banales, attendez en retour qu’ils vous en posent.

Et normalement, de fil en aiguille, de je te présente untel qui te présente untel, vous finirez la soirée avec le line de 30 personnes, qui vous réinviteront très certainement à la prochaine teuf, parce que c’est toujours cool d’avoir un français pas trop débile dans ses contacts.

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